Texts/LaFontaine/le_chêne_et_le_roseau.txt
author Patrick PIERRE <patrick.pierre@prismallia.fr>
jeu., 05 sept. 2013 22:54:41 +0200
changeset 101 82670acbc12c
parent 0 e8d6296c8d5e
permissions -rw-r--r--
Ajout des polices manquantes
patrick@0
     1
LE CHÊNE ET LE ROSEAU
patrick@0
     2
patrick@0
     3
Le chêne un jour dit au roseau : 
patrick@0
     4
"Vous avez bien sujet d'accuser la nature ; 
patrick@0
     5
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau ; 
patrick@0
     6
Le moindre vent qui d'aventure 
patrick@0
     7
Fait rider la face de l'eau, 
patrick@0
     8
Vous oblige à baisser la tête. 
patrick@0
     9
Cependant que mon front, au Caucase pareil, 
patrick@0
    10
Non content d'arrêter les rayons du soleil, 
patrick@0
    11
Brave l'effort de la tempête. 
patrick@0
    12
Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphyr. 
patrick@0
    13
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage 
patrick@0
    14
Dont je couvre le voisinage, 
patrick@0
    15
Vous n'auriez pas tant à souffrir : 
patrick@0
    16
Je vous défendrai de l'orage ; 
patrick@0
    17
Mais vous naissez le plus souvent 
patrick@0
    18
Sur les humides bords des royaumes du vent. 
patrick@0
    19
La nature envers vous me semble bien injuste. 
patrick@0
    20
- Votre compassion, lui répondit l'arbuste, 
patrick@0
    21
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci : 
patrick@0
    22
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables ; 
patrick@0
    23
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici 
patrick@0
    24
Contre leurs coups épouvantables 
patrick@0
    25
Résisté sans courber le dos ; 
patrick@0
    26
Mais attendons la fin." Comme il disait ces mots, 
patrick@0
    27
Du bout de l'horizon accourt avec furie 
patrick@0
    28
Le plus terrible des enfants 
patrick@0
    29
Que le nord eût porté jusque là dans ses flancs. 
patrick@0
    30
L'arbre tient bon ; le roseau plie. 
patrick@0
    31
Le vent redouble ses efforts, 
patrick@0
    32
Et fait si bien qu'il déracine 
patrick@0
    33
Celui de qui la tête au ciel était voisine, 
patrick@0
    34
Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.