Texts/LaFontaine/le_chêne_et_le_roseau.txt
author Patrick PIERRE
ven., 28 août 2015 18:59:57 +0200
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LE CHÊNE ET LE ROSEAU
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Le chêne un jour dit au roseau : 
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"Vous avez bien sujet d'accuser la nature ; 
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Un roitelet pour vous est un pesant fardeau ; 
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Le moindre vent qui d'aventure 
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Fait rider la face de l'eau, 
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Vous oblige à baisser la tête. 
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Cependant que mon front, au Caucase pareil, 
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Non content d'arrêter les rayons du soleil, 
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Brave l'effort de la tempête. 
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Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphyr. 
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Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage 
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Dont je couvre le voisinage, 
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Vous n'auriez pas tant à souffrir : 
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Je vous défendrai de l'orage ; 
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Mais vous naissez le plus souvent 
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Sur les humides bords des royaumes du vent. 
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La nature envers vous me semble bien injuste. 
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- Votre compassion, lui répondit l'arbuste, 
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Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci : 
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Les vents me sont moins qu'à vous redoutables ; 
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Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici 
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Contre leurs coups épouvantables 
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Résisté sans courber le dos ; 
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Mais attendons la fin." Comme il disait ces mots, 
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Du bout de l'horizon accourt avec furie 
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Le plus terrible des enfants 
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Que le nord eût porté jusque là dans ses flancs. 
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L'arbre tient bon ; le roseau plie. 
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Le vent redouble ses efforts, 
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Et fait si bien qu'il déracine 
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Celui de qui la tête au ciel était voisine, 
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Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.