patrick@0: LE CHÊNE ET LE ROSEAU patrick@0: patrick@0: Le chêne un jour dit au roseau : patrick@0: "Vous avez bien sujet d'accuser la nature ; patrick@0: Un roitelet pour vous est un pesant fardeau ; patrick@0: Le moindre vent qui d'aventure patrick@0: Fait rider la face de l'eau, patrick@0: Vous oblige à baisser la tête. patrick@0: Cependant que mon front, au Caucase pareil, patrick@0: Non content d'arrêter les rayons du soleil, patrick@0: Brave l'effort de la tempête. patrick@0: Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphyr. patrick@0: Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage patrick@0: Dont je couvre le voisinage, patrick@0: Vous n'auriez pas tant à souffrir : patrick@0: Je vous défendrai de l'orage ; patrick@0: Mais vous naissez le plus souvent patrick@0: Sur les humides bords des royaumes du vent. patrick@0: La nature envers vous me semble bien injuste. patrick@0: - Votre compassion, lui répondit l'arbuste, patrick@0: Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci : patrick@0: Les vents me sont moins qu'à vous redoutables ; patrick@0: Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici patrick@0: Contre leurs coups épouvantables patrick@0: Résisté sans courber le dos ; patrick@0: Mais attendons la fin." Comme il disait ces mots, patrick@0: Du bout de l'horizon accourt avec furie patrick@0: Le plus terrible des enfants patrick@0: Que le nord eût porté jusque là dans ses flancs. patrick@0: L'arbre tient bon ; le roseau plie. patrick@0: Le vent redouble ses efforts, patrick@0: Et fait si bien qu'il déracine patrick@0: Celui de qui la tête au ciel était voisine, patrick@0: Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.