patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@117: patrick@73: patrick@73: Les Misérables (extraits) patrick@73: patrick@73: patrick@73: VictorHUGO patrick@101: author patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: Partie 1. Fantine patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: Livre 1. Un juste patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: 1. M. Myriel patrick@73: patrick@73:
patrick@73:

En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel était évêque de patrick@73: Digne. C'était un vieillard d'environ soixante-quinze ans ; il patrick@73: occupait le siège de Digne depuis 1806.

patrick@73:

Quoique ce détail ne touche en aucune manière au fond même de ce patrick@73: que nous avons à raconter, il n'est peut-être pas inutile, ne patrick@73: fût-ce que pour être exact en tout, d'indiquer ici les bruits et patrick@73: les propos qui avaient couru sur son compte au moment où il était patrick@73: arrivé dans le diocèse. Vrai ou faux, ce qu'on dit des hommes tient patrick@73: souvent autant de place dans leur vie et surtout dans leur destinée patrick@73: que ce qu'ils font. M. Myriel était fils d'un conseiller au patrick@73: parlement d'Aix ; noblesse de robe. On contait de lui que son père, patrick@73: le réservant pour hériter de sa charge, l'avait marié de fort bonne patrick@73: heure, à dix-huit ou vingt ans, suivant un usage assez répandu dans patrick@73: les familles parlementaires. Charles Myriel, nonobstant ce mariage, patrick@73: avait, disait-on, beaucoup fait parler de lui. Il était bien fait patrick@73: de sa personne, quoique d'assez petite taille, élégant, gracieux, patrick@73: spirituel ; toute la première partie de sa vie avait été donnée au patrick@73: monde et aux galanteries. La révolution survint, les événements se patrick@73: précipitèrent, les familles parlementaires décimées, chassées, patrick@73: traquées, se dispersèrent. M. Charles Myriel, dès les premiers patrick@73: jours de la révolution, émigra en Italie. Sa femme y mourut d'une patrick@73: maladie de poitrine dont elle était atteinte depuis longtemps. Ils patrick@73: n'avaient point d'enfants. Que se passa-t-il ensuite dans la patrick@73: destinée de M. Myriel ? L'écroulement de l'ancienne société patrick@73: française, la chute de sa propre famille, les tragiques spectacles patrick@73: de 93, plus effrayants encore peut-être pour les émigrés qui les patrick@73: voyaient de loin avec le grossissement de l'épouvante, firent-ils patrick@73: germer en lui des idées de renoncement et de solitude ? Fut-il, au patrick@73: milieu d'une de ces distractions et de ces affections qui patrick@73: occupaient sa vie, subitement atteint d'un de ces coups mystérieux patrick@73: et terribles qui viennent quelquefois renverser, en le frappant au patrick@73: coeur, l'homme que les catastrophes publiques n'ébranleraient pas patrick@73: en le frappant dans son existence et dans sa fortune ? Nul n'aurait patrick@73: pu le dire ; tout ce qu'on savait, c'est que, lorsqu'il revint patrick@73: d'Italie, il était prêtre.

patrick@73:

En 1804, M. Myriel était curé de Brignolles. Il était déjà patrick@73: vieux, et vivait dans une retraite profonde.

patrick@73:

Vers l'époque du couronnement, une petite affaire de sa cure, on patrick@73: ne sait plus trop quoi, l'amena à Paris. Entre autres personnes patrick@73: puissantes, il alla solliciter pour ses paroissiens M. le cardinal patrick@73: Fesch. Un jour que l'empereur était venu faire visite à son oncle, patrick@73: le digne curé, qui attendait dans l'antichambre, se trouva sur le patrick@73: passage de sa majesté. Napoléon, se voyant regardé avec une patrick@73: certaine curiosité par ce vieillard, se retourna, et dit patrick@73: brusquement :

patrick@73:

– Quel est ce bonhomme qui me regarde ?

patrick@73:

– Sire, dit M. Myriel, vous regardez un bonhomme, et moi je patrick@73: regarde un grand homme. Chacun de nous peut profiter.

patrick@73:

L'empereur, le soir même, demanda au cardinal le nom de ce curé, patrick@73: et quelque temps après M. Myriel fut tout surpris d'apprendre qu'il patrick@73: était nommé évêque de Digne.

patrick@73:

Qu'y avait-il de vrai, du reste, dans les récits qu'on faisait patrick@73: sur la première partie de la vie de M. Myriel ? Personne ne le patrick@73: savait. Peu de familles avaient connu la famille Myriel avant la patrick@73: révolution.

patrick@73:

M. Myriel devait subir le sort de tout nouveau venu dans une patrick@73: petite ville où il y a beaucoup de bouches qui parlent et fort peu patrick@73: de têtes qui pensent. Il devait le subir, quoiqu'il fût évêque et patrick@73: parce qu'il était évêque. Mais, après tout, les propos auxquels on patrick@73: mêlait son nom n'étaient peut-être que des propos ; du bruit, des patrick@73: mots, des paroles ; moins que des paroles, des palabres, comme dit patrick@73: l'énergique langue du midi.

patrick@73:

Quoi qu'il en fût, après neuf ans d'épiscopat et de résidence à patrick@73: Digne, tous ces racontages, sujets de conversation qui occupent patrick@73: dans le premier moment les petites villes et les petites gens, patrick@73: étaient tombés dans un oubli profond. Personne n'eût osé en parler, patrick@73: personne n'eût même osé s'en souvenir.

patrick@73:

M. Myriel était arrivé à Digne accompagné d'une vieille fille, patrick@73: mademoiselle Baptistine, qui était sa soeur et qui avait dix ans de patrick@73: moins que lui.

patrick@73:

Ils avaient pour tout domestique une servante du même âge que patrick@73: mademoiselle Baptistine, et appelée madame Magloire, laquelle, patrick@73: après avoir été la servante de M. le Curé, patrick@73: prenait maintenant le double titre de femme de chambre de patrick@73: mademoiselle et femme de charge de monseigneur.

patrick@73:

Mademoiselle Baptistine était une personne longue, pâle, mince, patrick@73: douce ; elle réalisait l'idéal de ce qu'exprime le mot patrick@73: « respectable » ; car il semble qu'il soit nécessaire qu'une femme patrick@73: soit mère pour être vénérable. Elle n'avait jamais été jolie ; patrick@73: toute sa vie, qui n'avait été qu'une suite de saintes oeuvres, patrick@73: avait fini par mettre sur elle une sorte de blancheur et de patrick@73: clarté ; et, en vieillissant, elle avait gagné ce qu'on pourrait patrick@73: appeler la beauté de la bonté. Ce qui avait été de la maigreur dans patrick@73: sa jeunesse était devenu, dans sa maturité, de la transparence ; et patrick@73: cette diaphanéité laissait voir l'ange. C'était une âme plus encore patrick@73: que ce n'était une vierge. Sa personne semblait faite d'ombre ; à patrick@73: peine assez de corps pour qu'il y eût là un sexe ; un peu de patrick@73: matière contenant une lueur ; de grands yeux toujours baissés ; un patrick@73: prétexte pour qu'une âme reste sur la terre.

patrick@73:

Madame Magloire était une petite vieille, blanche, grasse, patrick@73: replète, affairée, toujours haletante, à cause de son activité patrick@73: d'abord, ensuite à cause d'un asthme.

patrick@73:

A son arrivée, on installa M. Myriel en son palais épiscopal patrick@73: avec les honneurs voulus par les décrets impériaux qui classent patrick@73: l'évêque immédiatement après le maréchal de camp. Le maire et le patrick@73: président lui firent la première visite, et lui de son côté fit la patrick@73: première visite au général et au préfet.

patrick@73:

L'installation terminée, la ville attendit son évêque à patrick@73: l'oeuvre.

patrick@73:
patrick@73:
patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: 2. M. Myriel devient monseigneur Bienvenu patrick@73: patrick@73:
patrick@73:

Le palais épiscopal de Digne était attenant à l'hôpital.

patrick@73:

Le palais épiscopal était un vaste et bel hôtel bâti en pierre patrick@73: au commencement du siècle dernier par monseigneur Henri Puget, patrick@73: docteur en théologie de la faculté de Paris, abbé de Simore, lequel patrick@73: était évêque de Digne en 1712. Ce palais était un vrai logis patrick@73: seigneurial. Tout y avait grand air, les appartements de l'évêque, patrick@73: les salons, les chambres, la cour d'honneur, fort large, avec patrick@73: promenoirs à arcades, selon l'ancienne mode florentine, les jardins patrick@73: plantés de magnifiques arbres. Dans la salle à manger, longue et patrick@73: superbe galerie qui était au rez-de-chaussée et s'ouvrait sur les patrick@73: jardins, monseigneur Henri Puget avait donné à manger en cérémonie patrick@73: le 29 juillet 1714 à messeigneurs Charles Brûlart de Genlis, patrick@73: archevêque-prince d'Embrun, Antoine de Mesgrigny, capucin, évêque patrick@73: de Grasse, Philippe de Vendôme, grand prieur de France, abbé de patrick@73: Saint-Honoré de Lérins, François de Berton de Grillon, évêque-baron patrick@73: de Vence, César de Sabran de Forcalquier, évêque-seigneur de patrick@73: Glandève, et Jean Soanen, prêtre de l'oratoire, prédicateur patrick@73: ordinaire du roi, évêque-seigneur de Senez. Les portraits de ces patrick@73: sept révérends personnages décoraient cette salle, et cette date patrick@73: mémorable, 29 juillet 1714, y était gravée en lettres d'or sur une patrick@73: table de marbre blanc.

patrick@73:

L'hôpital était une maison étroite et basse à un seul étage avec patrick@73: un petit jardin.

patrick@73:

Trois jours après son arrivée, l'évêque visita l'hôpital. La patrick@73: visite terminée, il fit prier le directeur de vouloir bien venir patrick@73: jusque chez lui.

patrick@73:

– Monsieur le directeur de l'hôpital, lui dit-il, combien en ce patrick@73: moment avez-vous de malades ?

patrick@73:

– Vingt-six, monseigneur.

patrick@73:

– C'est ce que j'avais compté, dit l'évêque.

patrick@73:

– Les lits, reprit le directeur, sont bien serrés les uns contre patrick@73: les autres.

patrick@73:

– C'est ce que j'avais remarqué.

patrick@73:

– Les salles ne sont que des chambres, et l'air s'y renouvelle patrick@73: difficilement.

patrick@73:

– C'est ce qui me semble.

patrick@73:

– Et puis, quand il y a un rayon de soleil, le jardin est bien patrick@73: petit pour les convalescents.

patrick@73:

– C'est ce que je me disais.

patrick@73:

– Dans les épidémies, nous avons eu cette année le typhus, nous patrick@73: avons eu une suette militaire il y a deux ans, cent malades patrick@73: quelquefois ; nous ne savons que faire.

patrick@73:

– C'est la pensée qui m'était venue.

patrick@73:

– Que voulez-vous, monseigneur ? dit le directeur, il faut se patrick@73: résigner.

patrick@73:

Cette conversation avait lieu dans la salle à manger-galerie du patrick@73: rez-de-chaussée.

patrick@73:

L'évêque garda un moment le silence, puis il se tourna patrick@73: brusquement vers le directeur de l'hôpital :

patrick@73:

– Monsieur, dit-il, combien pensez-vous qu'il tiendrait de lits patrick@73: rien que dans cette salle ?

patrick@73:

– La salle à manger de monseigneur ! s'écria le directeur patrick@73: stupéfait.

patrick@73:

L'évêque parcourait la salle du regard et semblait y faire avec patrick@73: les yeux des mesures et des calculs.

patrick@73:

– Il y tiendrait bien vingt lits ! dit-il, comme se parlant à patrick@73: lui-même.

patrick@73:

Puis élevant la voix : – Tenez, monsieur le directeur de patrick@73: l'hôpital, je vais vous dire. Il y a évidemment une erreur. Vous patrick@73: êtes vingt-six personnes dans cinq ou six petites chambres. Nous patrick@73: sommes trois ici, et nous avons place pour soixante. Il y a erreur, patrick@73: je vous dis. Vous avez mon logis, et j'ai le vôtre. Rendez-moi ma patrick@73: maison. C'est ici chez vous.

patrick@73:

Le lendemain, les vingt-six pauvres étaient installés dans le patrick@73: palais de l'évêque et l'évêque était à l'hôpital.

patrick@73:

M. Myriel n'avait point de bien, sa famille ayant été ruinée par patrick@73: la révolution. Sa soeur touchait une rente viagère de cinq cents patrick@73: francs qui, au presbytère, suffisait à sa dépense patrick@73: personnelle. M. Myriel recevait de l'état comme évêque un patrick@73: traitement de quinze mille francs. Le jour même où il vint se loger patrick@73: dans la maison de l'hôpital, M. Myriel détermina l'emploi de cette patrick@73: somme une fois pour toutes de la manière suivante. Nous patrick@73: transcrivons ici une note écrite de sa main.

patrick@73:

Note pour régler les dépenses de ma maison.

patrick@73:

Pour le petit séminaire : quinze cents livres.

patrick@73:

Congrégation de la mission : cent livres.

patrick@73:

Pour les lazaristes de Montdidier : cent livres.

patrick@73:

Séminaire des missions étrangères à Paris : deux cents livres.

patrick@73:

Congrégation du Saint-Esprit : cent cinquante livres.

patrick@73:

Etablissements religieux de la Terre-Sainte : cent livres.

patrick@73:

Sociétés de charité maternelle : trois cents livres.

patrick@73:

En sus, pour celle d'Arles : cinquante livres.

patrick@73:

Oeuvre pour l'amélioration des prisons : quatre cents livres.

patrick@73:

Oeuvre pour le soulagement et la délivrance des prisonniers : cinq patrick@73: cents livres.

patrick@73:

Pour libérer des pères de famille prisonniers pour dettes : mille patrick@73: livres.

patrick@73:

Supplément au traitement des pauvres maîtres d'école du diocèse : patrick@73: deux mille livres.

patrick@73:

Grenier d'abondance des Hautes-Alpes : cent livres.

patrick@73:

Congrégation des dames de Digne, de Manosque et de Sisteron, pour patrick@73: l'enseignement gratuit des filles indigentes : quinze mille patrick@73: livres.

patrick@73:

Pour les pauvres : six mille livres.

patrick@73:

Ma dépense personnelle : mille livres.

patrick@73:

Total : quinze mille livres.

patrick@73:

Pendant tout le temps qu'il occupa le siège de Digne, M. Myriel patrick@73: ne changea presque rien à cet arrangement. Il appelait cela, comme patrick@73: on voit, avoir réglé les dépenses de sa patrick@73: maison.

patrick@73:

Cet arrangement fut accepté avec une soumission absolue par patrick@73: mademoiselle Baptistine. Pour cette sainte fille, M. de Digne était patrick@73: tout à la fois son frère et son évêque, son ami selon la nature et patrick@73: son supérieur selon l'église. Elle l'aimait et elle le vénérait patrick@73: tout simplement. Quand il parlait, elle s'inclinait ; quand il patrick@73: agissait, elle adhérait. La servante seule, madame Magloire, patrick@73: murmura un peu. M. l'évêque, on l'a pu remarquer, ne s'était patrick@73: réservé que mille livres, ce qui, joint à la pension de patrick@73: mademoiselle Baptistine, faisait quinze cents francs par an. Avec patrick@73: ces quinze cents francs, ces deux vieilles femmes et ce vieillard patrick@73: vivaient.

patrick@73:

Et quand un curé de village venait à Digne, M. l'évêque trouvait patrick@73: encore moyen de le traiter, grâce à la sévère économie de madame patrick@73: Magloire et à l'intelligente administration de mademoiselle patrick@73: Baptistine.

patrick@73:

Un jour, – il était à Digne depuis environ trois mois, – l'évêque patrick@73: dit :

patrick@73:

– Avec tout cela je suis bien gêné !

patrick@73:

– Je le crois bien ! s'écria madame Magloire, Monseigneur n'a patrick@73: seulement pas réclamé la rente que le département lui doit pour ses patrick@73: frais de carrosse en ville et de tournées dans le diocèse. Pour les patrick@73: évêques d'autrefois c'était l'usage.

patrick@73:

– Tiens ! dit l'évêque, vous avez raison, madame Magloire.

patrick@73:

Il fit sa réclamation.

patrick@73:

Quelque temps après, le conseil général, prenant cette demande en patrick@73: considération, lui vota une somme annuelle de trois mille francs, patrick@73: sous cette rubrique : Allocation à M. l'évêque pour frais patrick@73: de carrosse, frais de poste et frais de tournées patrick@73: pastorales.

patrick@73:

Cela fit beaucoup crier la bourgeoisie locale, et, à cette patrick@73: occasion, un sénateur de l'empire, ancien membre du conseil des patrick@73: cinq-cents favorable au dix-huit brumaire et pourvu près de la patrick@73: ville de Digne d'une sénatorerie magnifique, écrivit au ministre patrick@73: des cultes, M. Bigot de Préameneu, un petit billet irrité et patrick@73: confidentiel dont nous extrayons ces lignes authentiques :

patrick@73:

"– Des frais de carrosse ? pourquoi faire dans une ville de moins patrick@73: de quatre mille habitants ? Des frais de poste et de tournées ? à patrick@73: quoi bon ces tournées d'abord ? ensuite comment courir la poste dans patrick@73: un pays de montagnes ? Il n'y a pas de routes. On ne va qu'à patrick@73: cheval. Le pont même de la Durance à Château-Arnoux peut à peine patrick@73: porter des charrettes à boeufs. Ces prêtres sont tous ainsi. Avides patrick@73: et avares. Celui-ci a fait le bon apôtre en arrivant. Maintenant il patrick@73: fait comme les autres. Il lui faut carrosse et chaise de poste. Il patrick@73: lui faut du luxe comme aux anciens évêques. Oh ! toute cette patrick@73: prêtraille ! Monsieur le comte, les choses n'iront bien que lorsque patrick@73: l'empereur nous aura délivrés des calotins. A bas le pape ! (les patrick@73: affaires se brouillaient avec Rome). Quant à moi, je suis pour César patrick@73: tout seul. Etc., etc."

patrick@73:

La chose, en revanche, réjouit fort madame Magloire. – Bon, patrick@73: dit-elle à mademoiselle Baptistine, Monseigneur a commencé par les patrick@73: autres, mais il a bien fallu qu'il finit par lui-même. Il a réglé patrick@73: toutes ses charités.

patrick@73:

Voilà trois mille livres pour nous. Enfin !

patrick@73:

Le soir même, l'évêque écrivit et remit à sa soeur une note ainsi patrick@73: conçue :

patrick@73:

Frais de carrosse et de tournées.

patrick@73:

Pour donner du bouillon de viande aux malades de l'hôpital : patrick@73: quinze cents livres.

patrick@73:

Pour la société de charité maternelle d'Aix : deux cent cinquante patrick@73: livres.

patrick@73:

Pour la société de charité maternelle de Draguignan : deux cent patrick@73: cinquante livres.

patrick@73:

Pour les enfants trouvés : cinq cent livres.

patrick@73:

Pour les orphelins : cinq cent livres.

patrick@73:

Total : trois mille livres.

patrick@73:

Tel était le budget de M. Myriel.

patrick@73:

Quant au casuel épiscopal, rachats de bans, dispenses, patrick@73: ondoiements, prédications, bénédictions d'églises ou de chapelles, patrick@73: mariages, etc., l'évêque le percevait sur les riches avec d'autant patrick@73: plus d'âpreté qu'il le donnait aux pauvres.

patrick@73:

Au bout de peu de temps, les offrandes d'argent affluèrent. Ceux patrick@73: qui ont et ceux qui manquent frappaient à la porte de M. Myriel, patrick@73: les uns venant chercher l'aumône que les autres venaient y patrick@73: déposer. L'évêque, en moins d'un an, devint le trésorier de tous patrick@73: les bienfaits et le caissier de toutes les détresses. Des sommes patrick@73: considérables passaient par ses mains ; mais rien ne put faire patrick@73: qu'il changeât quelque chose à son genre de vie et qu'il ajoutât le patrick@73: moindre superflu à son nécessaire.

patrick@73:

Loin de là. Comme il y a toujours encore plus de misère en bas patrick@73: que de fraternité en haut, tout était donné, pour ainsi dire, avant patrick@73: d'être reçu ; c'était comme de l'eau sur une terre sèche ; il avait patrick@73: beau recevoir de l'argent, il n'en avait jamais. Alors il se patrick@73: dépouillait.

patrick@73:

L'usage étant que les évêques énoncent leurs noms de baptême en patrick@73: tête de leurs mandements et de leurs lettres pastorales, les pauvres patrick@73: gens du pays avaient choisi, avec une sorte d'instinct affectueux, patrick@73: dans les noms et prénoms de l'évêque, celui qui leur présentait un patrick@73: sens, et ils ne l'appelaient que monseigneur Bienvenu. Nous ferons patrick@73: comme eux, et nous le nommerons ainsi dans l'occasion. Du reste, patrick@73: cette appellation lui plaisait. – J'aime ce nom-là, patrick@73: disait-il. Bienvenu corrige monseigneur.

patrick@73:

Nous ne prétendons pas que le portrait que nous faisons ici soit patrick@73: vraisemblable ; nous nous bornons à dire qu'il est ressemblant.

patrick@73:
patrick@73:
patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: 3. A bon évêque dur évêché patrick@73: patrick@73:
patrick@73:

patrick@73:
patrick@73:
patrick@73:
patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: Livre 2. La chute patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: 1. Le soir d'un jour de marche patrick@73: patrick@73:
patrick@73:

patrick@73:
patrick@73:
patrick@73:
patrick@73:
patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: Partie 2. Cosette patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: Livre 1. Waterloo patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: patrick@73: 1. Ce qu'on rencontre en venant de Nivelles patrick@73: patrick@73:
patrick@73:

L'an dernier (1861), par une belle matinée de mai, un passant, patrick@73: celui qui raconte cette histoire, arrivait de Nivelles et se patrick@73: dirigeait vers La Hulpe. Il allait à pied. Il suivait, entre deux patrick@73: rangées d'arbres, une large chaussée pavée ondulant sur des patrick@73: collines qui viennent l'une après l'autre, soulèvent la route et la patrick@73: laissent retomber, et font là comme des vagues énormes. Il avait patrick@73: dépassé Lillois et Bois-Seigneur-Isaac. Il apercevait, à l'ouest, patrick@73: le clocher d'ardoise de Braine-l'Alleud qui a la forme d'un vase patrick@73: renversé. Il venait de laisser derrière lui un bois sur une patrick@73: hauteur, et, à l'angle d'un chemin de traverse, à côté d'une espèce patrick@73: de potence vermoulue portant l'inscription : Ancienne patrick@73: barrière no 4, un cabaret ayant sur sa façade cet patrick@73: écriteau : Au quatre vents. Echabeau, café de patrick@73: particulier.

patrick@73:

Un demi-quart de lieue plus loin que ce cabaret, il arriva au patrick@73: fond d'un petit vallon où il y a de l'eau qui passe sous une arche patrick@73: pratiquée dans le remblai de la route. Le bouquet d'arbres, patrick@73: clairsemé mais très vert, qui emplit le vallon d'un côté de la patrick@73: chaussée, s'éparpille de l'autre dans les prairies et s'en va avec patrick@73: grâce et comme en désordre vers Braine-l'Alleud.

patrick@73:

Il y avait là, à droite, au bord de la route, une auberge, une patrick@73: charrette à quatre roues devant la porte, un grand faisceau de patrick@73: perches à houblon, une charrue, un tas de broussailles sèches près patrick@73: d'une haie vive, de la chaux qui fumait dans un trou carré, une patrick@73: échelle le long d'un vieux hangar à cloisons de paille. Une jeune patrick@73: fille sarclait dans un champ où une grande affiche jaune, patrick@73: probablement du spectacle forain de quelque kermesse, volait au patrick@73: vent. A l'angle de l'auberge, à côté d'une mare où naviguait une patrick@73: flottille de canards, un sentier mal pavé s'enfonçait dans les patrick@73: broussailles. Ce passant y entra.

patrick@73:

Au bout d'une centaine de pas, après avoir longé un mur du patrick@73: quinzième siècle surmonté d'un pignon aigu à briques contrariées, patrick@73: il se trouva en présence d'une grande porte de pierre cintrée, avec patrick@73: imposte rectiligne, dans le grave style de Louis XIV, accostée de patrick@73: deux médaillons planes. Une façade sévère dominait cette porte ; un patrick@73: mur perpendiculaire à la façade venait presque toucher la porte et patrick@73: la flanquait d'un brusque angle droit. Sur le pré devant la porte patrick@73: gisaient trois herses à travers lesquelles poussaient pêle-mêle patrick@73: toutes les fleurs de mai. La porte était fermée. Elle avait pour patrick@73: clôture deux battants décrépits ornés d'un vieux marteau patrick@73: rouillé.

patrick@73:

Le soleil était charmant ; les branches avaient ce doux patrick@73: frémissement de mai qui semble venir des nids plus encore que du patrick@73: vent. Un brave petit oiseau, probablement amoureux, vocalisait patrick@73: éperdument dans un grand arbre.

patrick@73:

Le passant se courba et considéra dans la pierre à gauche, au patrick@73: bas du pied-droit de la porte, une assez large excavation patrick@73: circulaire ressemblant à l'alvéole d'une sphère. En ce moment les patrick@73: battants s'écartèrent et une paysanne sortit.

patrick@73:

Elle vit le passant et aperçut ce qu'il regardait.

patrick@73:

– C'est un boulet français qui a fait ça, lui dit-elle. Et elle patrick@73: ajouta :

patrick@73:

– Ce que vous voyez là, plus haut, dans la porte, près d'un clou, patrick@73: c'est le trou d'un gros biscayen. Le biscayen n'a pas traversé le patrick@73: bois.

patrick@73:

– Comment s'appelle cet endroit-ci ? demanda le passant.

patrick@73:

– Hougomont, dit la paysanne.

patrick@73:

Le passant se redressa. Il fit quelques pas et s'en alla regarder patrick@73: au-dessus des haies. Il aperçut à l'horizon à travers les arbres une patrick@73: espèce de monticule et sur ce monticule quelque chose qui, de loin, patrick@73: ressemblait à un lion.

patrick@73:

Il était dans le champ de bataille de Waterloo.

patrick@73:
patrick@73:
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patrick@73:
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