Texts/LaFontaine/le_chêne_et_le_roseau.txt
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     1 LE CHÊNE ET LE ROSEAU
       
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     3 Le chêne un jour dit au roseau : 
       
     4 "Vous avez bien sujet d'accuser la nature ; 
       
     5 Un roitelet pour vous est un pesant fardeau ; 
       
     6 Le moindre vent qui d'aventure 
       
     7 Fait rider la face de l'eau, 
       
     8 Vous oblige à baisser la tête. 
       
     9 Cependant que mon front, au Caucase pareil, 
       
    10 Non content d'arrêter les rayons du soleil, 
       
    11 Brave l'effort de la tempête. 
       
    12 Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphyr. 
       
    13 Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage 
       
    14 Dont je couvre le voisinage, 
       
    15 Vous n'auriez pas tant à souffrir : 
       
    16 Je vous défendrai de l'orage ; 
       
    17 Mais vous naissez le plus souvent 
       
    18 Sur les humides bords des royaumes du vent. 
       
    19 La nature envers vous me semble bien injuste. 
       
    20 - Votre compassion, lui répondit l'arbuste, 
       
    21 Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci : 
       
    22 Les vents me sont moins qu'à vous redoutables ; 
       
    23 Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici 
       
    24 Contre leurs coups épouvantables 
       
    25 Résisté sans courber le dos ; 
       
    26 Mais attendons la fin." Comme il disait ces mots, 
       
    27 Du bout de l'horizon accourt avec furie 
       
    28 Le plus terrible des enfants 
       
    29 Que le nord eût porté jusque là dans ses flancs. 
       
    30 L'arbre tient bon ; le roseau plie. 
       
    31 Le vent redouble ses efforts, 
       
    32 Et fait si bien qu'il déracine 
       
    33 Celui de qui la tête au ciel était voisine, 
       
    34 Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.